Christine Adamo, enseignante-chercheuse spécialisée dans l'information scientifique, est l'auteure de cinq romans, dont le thriller érudit Les usurpatrices, paru chez Librinova en avril 2021. Elle nous confie dans ce billet d'humeur son refus de rentrer dans le moule, et son amour pour l'inclassable.
Soyons précis. Par « case », j’entends ici
« cellule », « casier », « boîte », autrement dit « classification », « catalogage ». De ces termes, concepts et outils qui, s’ils sont utiles à un quincaillier ou, dans une certaine mesure, à un bibliothécaire, peuvent devenir carcans lorsqu’il s’agit d’y faire, à toute force, entrer l’Humain.
Pourtant, rétorquera-t-on, la taxonomie (par exemple) n’a-t-elle pas été utile aux botanistes et autres biologistes, et cela bien avant les lois de Darwin et de Mendel ? Même erronées, les classifications d’Aristote, Linné ou Lamarck n’ont-elles pas été les marches sur lesquelles l’évolutionnisme puis la phylogénétique se sont hissés vers une compréhension du vivant en général ?
Certes. Faut-il pour autant s’acharner à subdiviser, classifier, enfermer tout ce qui a trait aux productions de l’esprit, voire aux interprétations, aux perspectives, jusqu’aux émotions, aux esprits… aux humains eux-mêmes ?
Ce n’est pas nouveau, me direz-vous et, que l’on soit dans le champ des sciences, des arts, des langues ou, sur le plan sociétal en général, les pratiques n’évoluent-elles pas vers une transversalité coopérative ? Peut-être. Toujours est-il que…
Autrefois, en tant que fille, j’enrageais lorsque j’entendais les questions adressées à ma mère.
« Au fond, d’où te vient vraiment cette peau si… mate ? » ou « Au final, de quelle origine es-tu vraiment ? »
Il y a quelques années, je suis restée abasourdie lorsqu’un directeur d’établissement m’a dit :
« Madame, il faut que votre fils rentre dans les cases ! Ce n’est pas à l’école de s’adapter aux élèves » ou « Madame, s’il ne suit pas le schéma prédéfini dans le manuel, même si ses réponses sont correctes, nous ne pouvons cocher les cases de son livret de compétences », ou « Madame, à treize ans, il doit savoir ce qu’il veut faire plus tard. Sinon, comment voulez-vous qu’il rentre dans le cadre de référence ? »
Il y a peu, en tant qu’auteure, j’ai détesté m’entendre demander de « respecter les codes » (de l’essai, du polar/thriller/roman historique, etc.), d’écrire en restant « dans les cases de la collection », d’être attentive à « ne pas heurter la sensibilité » du lectorat.
Aujourd’hui, je tente de garder mon calme lorsque l’on me demande : « Tout bien pesé, que fais-tu ? Quel modèle de pensée suis-tu ? Dans quel schéma professionnel t’inscris-tu ? Vraiment. » Cadre, case, manuel, schéma, modèle, prédéfini, rentrer, respecter, ne pas heurter, cocher, au fond, au final. Vraiment.
En ces temps où sont reconnus les bénéfices de la diversité, qu’elle soit du vivant ou cognitive, de genre, de carnation, d’orientation, d’opinion... Qu’y a-t-il de « vrai » dans une personne, une idée, une perspective que l’on aura, de force (forcément), fait rentrer dans une case ? Que reste-t-il d’authentique, de sincère, de spontané, d’original, de créatif, d’inventif, dans ce que l’on aura, de force (forcément), inséré dans un cadre ?
Pas grand-chose.
Découvrez l'auteure et son œuvre ici.
À lire aussi : notre avis de lecture sur Les Usurpatrices et notre interview avec l'auteure.
Résumé :
11 septembre 2001, World Trade Center.
8 h 29, tour nord : Tom, devenu trader pour satisfaire à ses obligations de futur père, apprend que l’enfant à venir n’est pas de lui. 8 h 46, tour sud : un Boeing s’écrase sous l’étage où se trouve Alcina... son épouse. Banale rencontre de la petite et de la grande histoire ? Ou épisode ignoré d’une vendetta ancestrale ? Des États-Unis en pleine crise à l’Australie des surfeurs, de la Toscane des Médicis à la Yougoslavie de Tito, un nom revient : celui de Francesca Caccini, musicienne adulée en son temps, oubliée depuis. Sauf par celle qui en a fait une obsession. Meurtrière.
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